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Film, Festival S.A.L.S.A. Rencontres 2024 Rencontre avec Juan Sebastian Torales - Réalisateur mercredi 9 oct 2024 à 11:00 Dans la terrasse du café Le Colisée, à coté du cinéma Juan Sebastián Torales, réalisateur argentin résidant en France, a reçu le Prix Eurimages d’aide au développement des coproductions à l’occasion du VIIIe Forum de la coproduction Europe-Amérique latine tenu dans le cadre du 67e Festival de San Sebastian. Almamula c'est son premier long-métrage.

Critique "Abus de Ciné"

"Almamula" est un film sombre sur l’adolescence et la découverte de sa propre nature, qui convoque à la fois des croyances païennes (et donc une touche de fantastique) et un fond social et familial intéressant (un père souvent absent, une petite communauté où tout le monde se connaît...). Doté d’une sublime photographie signée Ezequiel Salinas, dont les couleurs chaudes enserrent le récit dans un cocon estival, où les pulsions ont donc pleinement leur place. Avec en arrière plan la disparition d’autres enfants, parabole de possibles actes pédophiles, le scénario interroge ici intelligemment sur la part de désir provenant de l'adolescent lui-même, dans ce que tous considèrent comme son orientation sexuelle.

Apparaissant autant volontaire, que conditionné par un entourage ou des gens croisés (il est rejeté par sa sœur et ses amis, plus âgés, s’adonnant à des jeux tactiles dans la piscine, il suit un homme en forêt, qui lui demande de le toucher...), le parcours de Nino vers quelque chose d’obscure a quelque chose de fascinant. Ceci d’autant plus qu’en arrière plan, l’éducation très marquée par la religion est montrée comme un poids constant, rajoutant à la sensation de culpabilité déjà ressentie par le personnage, dont les questionnements adolescents restent sans réponse (face à sa mère, comme face au curé). La première scène de classe à l’église pose d’ailleurs des principes bien clairs : face à la puberté il va falloir aux enfants « ignorer et rejeter les changements du corps comme de l’esprit ».

Pour construire un univers sombre et torturé, la mise en scène introduit dans ce quotidien quelques éléments de fantastique : un visage noir aux yeux rouges, une silhouette sombre de sa taille, une blessure à la main tels des stigmates... Elle installe aussi des moments d’inquiétude, souvent liés à des plans magnifiques, pour mieux signifier à la fois le danger qui plane sur Nino, comme ses élans vers quelque chose de sombre et d’inconnu : une brume dont semble sortir un rugissement, un arbre aux multiples braconnages entrecroisés, aussi protecteur que menaçant, un lent travelling avant vers un cabanon, un mur interminablement long au pied duquel il se retrouve. La légende de l'Almamula, femme qui aurait couché avec son père et son frère, mais aussi des hommes et femmes d'un village, et hanterait la forêt, ainsi que les croyances et rituels de la grand-mère du disparu, apparaissent alors comme une condamnation ou une salvation possibles. Coincé ainsi dans une logique où manque une figure paternelle (le père est clairement blâmé pour sa distance avec son fils), Nino devient ainsi une sorte de symbole d’une sexualité bridée et éternellement culpabilisée par la religion et la société, mais aussi influencée dans son vécu par tout un entourage et par l'image qu'ils en transmettent.

Olivier Bachelard 

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